04 décembre 2007

Lettre de Khartoum : une infirmière au Soudan

Je suis Coordinatrice Médicale d’un programme de santé communautaire qui supporte 22 dispensaires au Ouest-Darfour, 21 dans les Montagnes Nuba et 1’autre dans un camp de déplacés dans la banlieue de la capitale. Je ne suis pas directement engagée dans les différents projets mais j’ai la responsabilité des choix stratégiques de l’Organisation pour la gestion de ces derniers. En parallèle je fais partie du trio « directeur » de l’ensemble du programme pour le Nord Soudan. C’est un défi intéressant spécialement au vu du complexe contexte politique du pays. Beaucoup d’heures et de jours passés dans mon bureau à Khartoum. Mais aussi l’opportunité de visites régulières sur les différents sites…
Apres quelques heures d’avion on atterrit à Kadugli dans les Montagnes Nuba, qui font bordure avec le Sud Soudan. Le vert des arbres et la pureté de l’air me font tout a coup réaliser combien la nature me manque dans le désert de Khartoum. La boue et les nids de poules de la piste, les huttes en bâtons, le campement des militaires de l’Union Africaine, les collines et les rochers tatoués SPLM (mouvement rebelle), les enfants qui font coucou sur le bord de la route. Ça fait un bien fou de voir un peu le pourquoi de mes heures passées derrière l’ordinateur. Le temps de visiter une des cliniques et je me retrouve comme à mes débuts sur le terrain. Discuter à travers un traducteur avec le travailleur de santé, jeter un œil sur le cahier de consultations, m’asseoir un moment avec les patients et demander comment va la vie ici… Les mêmes joies, les mêmes difficultés, les mêmes questions et surtout les mêmes souffrances…

Plus tard s’enchaînent différentes réunions pour s’assurer que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre les objectifs qu’on a promis aux donateurs et donc aux bénéficiaires. Pour vérifier que nous sommes en accord avec les directives gouvernementales de santé. Mais surtout écouter, avoir une meilleur idée de ce qui se passe sur le terrain et ainsi réorienter mon travail de bureau en ligne avec la réalité.

Plusieurs jours après, je me retrouve dans le petit avion qui me ramène de l’autre côté du pays. Ce jour-là, on tournera en rond au dessus de Khartoum pendant une heure avant de pouvoir atterrir. La piste était apparemment bloquée pour des VIP. Avec le kérosène qu’on aura consommé pendant cette heure perdue peut-être que je devrais songer à planter un arbre pour le sauvetage de la planète…


Quelque part au Darfour, autre visite quelques semaines plus tard. L’hélicoptère nous a déposé à Beida pour 4 jours, nous sommes à 6 Kms de la frontière avec le Tchad. Même visite au centre de santé, d’autres réunions avec les autorités, le personnel de la clinique, l’autre ONG sur place… La routine, les mêmes joies, les mêmes difficultés, les mêmes questions et surtout les mêmes souffrances…

Sauf que cette fois là des VIP (pure coïncidence) sont attendus le lendemain. Je me retrouve partie prenante de cette délégation qui vient prendre pendant quelques heures la température et rapporter à l’occident ce qu’il se passe dans ce coin du monde. Il pleut des cordes. Les autorités locales, les représentants des différentes tribus et tout le reste essaient de trouver un coin où le toit ne fuit pas dans une pièce de l’administration locale. Et je me retrouve a discuter/répondre aux questions d’un Membre du Parlement Britannique qui cherche à parler politique. Je fais ce que je peux avec ce que je sais c'est-à-dire pas grand-chose et le laisse sur sa faim avec probablement une piètre image des travailleurs humanitaires qui eux aussi jouent de la langue de bois…

J’ai bien plus apprécié le déjeuner local qui a suivi. Pieds nus, assis sur une natte autour de plusieurs gamelles, à la Soudanaise. Qui eut cru qu’un jour je me retrouverais à manger sans complexe, mes doigts dans le même plat que Madame l’Ambassadeur Britannique au Soudan tranquillement assise par terre à coté de moi, sans ses chaussures et à discuter de la culture du pays…

Mais le point fort de la journée restera ce verre de thé bu après leur départ sous un arbre du marché. Une vue imprenable sur la rivière, le gazon vert flamboyant et les dizaines de nomades en djellaba blanches marchandant leur bétail. Derrière nous les selles des chevaux/chameaux entassés à la garde de la dame qui prépare ce thé bien trop sucré…Ce thé qui n’étanche pas la soif mais la provoque.

Tout comme la vision de cette réalité de l’extrême ne répond pas aux questions mais les intensifient et les complexifient. Ah si les choses étaient ou noires ou blanches…
Une soirée de plus que l’on passe avec mes collègues/amis de l’équipe. (…)
On parle de l’insécurité qui a fait un retour fracassant au Darfour mais aussi dans les Montagnes Nuba. Apparemment sans grande émotion, comme si cela ne nous touchait pas. Mais quelques minutes plus tard, sans en avoir l’air ce sont les grandes et mêmes questions qui sont sur la table. Pauvreté, Injustice, Souffrance, Pouvoir, Passé, Futur, Foi et notre place dans tout ça...


[Photos : Droits réservés]

02 décembre 2007

Chronologie de l'Asie Orientale de 1839 à 2008

Chronologie en construction. Signalez-moi des oublis, des erreurs...

Pour faciliter la lecture, j'ai opté pour des couleurs différentes pour tous les évènements se rapportant à un pays : la Chine (que ce soit la RPC communiste ou Taïwan), le Japon, la Corée (que ce soit la Corée du Nord communiste ou la Corée du Sud), le Vietnam, le Laos et le Cambodge (qui constituaient l'Indochine française), l'Indonésie, le Timor-oriental, la Malaisie, Singapour, Bruneï, la Thaïlande et les Philippines.

1839-1860 Guerres de l'opium. L'Angleterre, seule (1839-1842) puis avec la France (1858-1860), impose par la force l'ouverture de la Chine au commerce international.

1853 Le commodore américain Perry contraint les ports japonais à s'ouvrir au commerce étranger

1859 Début de la conquête française de l'Indochine (jusqu'en 1907)

1868
Début de l'ère Meiji au Japon. C'est le surnom donné au règne de l'Empereur qui règne jusqu'en 1912. C'est la fin du Shogunat et le début de la modernisation du pays.

1895 Traité de Shimonoseki qui met fin à la guerre à propos de la Corée entre la Chine et le Japon vainqueur. Taïwan et le Liaodong devienent japonais.

1898 A l'issue de la guerre entre l'Espagne et les Etats-Unis, ces derniers obtiennent les Philippines.

1900 Guerre des Boxers qui assiègent les légations étrangères. Les troupes étrangères pénètrent dans Pékin. Elles peuvent stationner en Chine à partir de 1901 .

1905 Fin de la guerre russo-japonaise, débutée en 1904. Les Japonais prennent possession du sud de Sakaline et des Kouriles (reprises en 1945 par les Soviétiques).
[ci-contre : affiche russe, "le petit déjeuner" russe]

1910 La Corée colonisée par le Japon.

1911 Révolution en Chine. Un gouvernement militaire provisoire est établi à Shanghaï.

1912 Fin de l'Empire en Chine. Proclamation de la République par Sun Yat Sen à Nankin.

1914-1918 La Chine et le Japon participent à la guerre contre l'Allemagne.

1921 Fondation à Shanghaï du Parti communiste chinois

1923 Tremblement de terre à Tôkyô

1925 Mort de Sun Yat Sen. Chiang Kai Shek lui succède.

1931 Le Japon envahit la Mandchourie (Nord de la Chine) et y installe un régime allié (le Mandchoukouo).

1935 La Longue Marche. Pour échapper aux massacres de communistes par les nationalistes (Chiang Kai Shek), Mao Zedong et les siens rejoignent

1937 Les Japonais s'emparent de Shanghaï et de la capitale Nankin qui est mise à sac.
[ci-contre : affiche japonaise de 1943. Le Japon se revendique comme le "libérateur" des peuples asiatiques opprimés par l'OCcident]

1940 Signature du pacte tripartite entre le Japon, l'Allemagne et l'Italie.

1941 Le Japon attaque les Etats-Unis à Pearl Harbor puis leurs déclarent la guerre.
[ci-contre : affiche américaine anti-japonaise]

1945 Capitulation du Japon après l'utilisation de l'arme atomique par les Etats-Unis à deux reprises. Sukarno proclame l'indépendance de l'Indonésie, jusqu'alors colonie des Pays-Bas. Début de la guerre d'indépendance. Début de la décolonisation en Asie.

1946 Indépendance des Philippines. Ho Chi Minh proclame l'indépendance du Vietnam. Début de la Guerre d'Indochine. Reprise de la guerre civile entre communistes et nationalistes en Chine.

1948 Proclamation de la Répubique Populaire de Corée (Nord, communiste)

1949 Indépendance de l'Indonésie. Les communistes s'emparent de Pékin et proclament la République Populaire de Chine (RPC) le 1er octobre. Les nationalistes se réfugient sur Taïwan.

1950 Début de la Guerre de Corée. La Chine envahit le Tibet. Elle signe un traité d'amitié avec l'URSS. En réponse à l'intervention des troupes de l'ONU, intervention chinoise en Corée pour soutenir le Nord.

1951 Le Président des Etats-Unis, Truman, relève le général Mac Arthur de son commandement en Corée et le remplace par le général Ridgway pour désaccord sur la stratégie à mener. Traité de paix entre les Etats-Unis et le Japon. Une constitution démocratique et pacifiste est établie.

1953 Armistice de Panmunjon, fin de la Guerre de Corée.

1954 Après la défaite française de Dien Bien Phu, accords de Genève mettant fin à la Guerre d'Indochine. Le Laos et le Cambodge deviennent indépendants en même temps que la République populaire du Vietnam (Nord, communiste) et le Vietnam (Sud, proccidental). Traité de défense mutuelle entre la République de Chine (Taïwan) et les Etats-Unis.

1955 Conférence de Bandung (Indonésie) rassemblant 29 pays et des mouvements nationaux de pays non-indépendants d'Asie et d'Afrique.

1957 Indépendance de la Malaisie. Campagne des Cent Fleurs en RPC autorisant le pluralisme intellectuel lancée par Mao, puis vite réprimée.

1958 La RPC bombarde les îlots de Qemoy et Matsu appartenant à Taïwan mais proches de son littoral. Echec car fermeté américaine. Le "Grand bond en avant" débute en Chine populaire. C'est une campagne de développement économique à outrance qui se solde par un échec et plusieurs dizaines de millions de morts.

1959 Soulèvement du Tibet contre l'autorité de Pékin, écrasé par l'armée.

1960 Rupture de la RPC avec l'URSS.

1963 Inauguration du premier TGV au Japon, le Shinkansen. Le Cambodge suspend ses relations avec Londres et Washington.

1964 Premier essai nucléaire chinois. Jeux Olympiques à Tôkyô.

1965 Singapour se sépare de la Malaisie et devient indépendant. Début de l'engagement américain au Vietnam après "l'incident" du Golfe du Tonkin (1964). Coup d'Etat du général Suharto en Indonésie. Des communistes sont massacrés.

1966 Discours de Phnom Penh. Le Général de Gaulle condamne l'intervention américaine au Vietnam. Révolution culturelle en Chine populaire. Les Gardes rouges, à l'instigation de Mao, doivent réprimer les cadres du parti et les élites (plusieurs millions de morts).

1967 Création de l'ASEAN (Association des Nations d'Asie du Sud-Est) par la Thaïlande, l'Indonésie, Singapour, la Malaisie et les Philippines (tous alliés de Washington). Ils sont rejoints par Bruneï (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la Birmanie (1997) et le Cambodge (1999).


1968 Début de l'offensive du Têt par le Viet Cong (guérilla communiste du Sud soutenue par le Vietnam du Nord). Massacre de My Lai, l'armée américaine massacre plusieurs centaines de civils.

1969 Incidents armés à la frontière sino-soviétique (Xinjiang).

1970 Coup d'Etat du Général Lon Nol au Cambodge. Soutenu par les Etats-Unis qui opèrent près de la frontière, il s'empare du pouvoir et chasse Sihanouk. Premier satellite artificiel chinois.

1971 Suite au rapprochement avec les Etats-Unis ("diplomatie du ping-pong, des joueurs américains en RPC), la RPC obtient le siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, détenu par Taïwan depuis 1949 (expulsée de l'ONU). Des troupes américaines interviennent au sud du Laos.

1972 Visite de Nixon à Pékin. Il reconnaît que Taïwan fait partie de la Chine. Le Président philippin Marcos proclame la loi martiale. Voyage officiel du Premier Ministre japonais Tanaka en RPC marquant la fin de l'état de guerre. Jeux Olympiques d'hiver à Sapporo (Japon)
[ci-contre : rencontre Zhou En Lai-Nixon à Pékin en 1972]

1973 Accords de Paris qui entrainent le retrait des troupes américaines au Vietnam.

1975 Prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges. La ville est vidée de sa population. Prise de Saïgon par les Nord-Vietnamiens. Le Vietnam est réunifié par les communistes. Dès 1976, Saïgon est rebaptisée Ho-Chi-Minh-Ville (celui-ci est mort en 1969). Au Laos, la monarchie est abolie, une République démocratique populaire est proclamée. Décès de Chiang Kai Shek à Taïwan. Les autorités portugaises abandonnent Timor, territoire livré à lui-même qui est ensuite envahi par l'Indonésie. Condamnation de l'ONU.
[ci-contre : photographie d'une femme arrêtée et torturée par les Khmers Rouges au fameux S-21 (Tuol Sleng) à Phnom Penh]

1976 Mort de Zhou Enlai (premier ministre) puis de Mao Zedong. Coup d'Etat militaire abolissant la constitution en Thaïlande.

1978 Début de la politique de réformes et d'ouverture de la Chine menée par Deng Xiao Ping (au pouvoir depuis 1977). Signature à Pékin du Traité de paix sino-japonais. Apparition des Boat people fuyant le Vietnam.

1979 Les Khmers Rouges sont chassés du Cambodge par les Vietnamiens qui installent un régime communiste provietnamien. L'ONU condamne l'occupation vietnamienne qui dure jusqu'en 1989. Guerre sino-vietnamienne. La RPC ouvre ses quatre premières Zones économiques spéciales (ZES) où sont autorisés les investissements étrangers (suivies de 14 villes côtières dont Shanghaï en 1984). Lancement de la politique de l'enfant unique. Deng Xiao Ping en voyage aux Etats-Unis. Communiqué commun condamnant "l'hégémonisme soviétique".

1982 Accord sino-américain sur la réduction progressive des livraisons d'armes américaines à Taïwan.

1983 Un Boeing sud-coréen est abattu par les Soviétiques au-dessus de Sakhaline (269 morts).

1984 Indépendance du Sultanat de Bruneï (colonie britannique enclavée en Malaisie).

1986 Marcos, dictateur philippin est chassé du pouvoir par une révolte populaire après avoir perdu l'élection présidentielle. C. Aquino devient présidente. Le Vietnam lance la "politique du renouveau" (Doi moï).

1987 Première élection présidentielle au suffrage direct en Corée du Sud (le pays a longtemps été une dictature militaire). Election de Roh Tae-Woo.

1988 Jeux Olympiques à Séoul (Corée du Sud)

1989 Les troupes vietnamiennes quittent le Cambodge. Visite de Gorbatchev à Pékin (une première depuis 30 ans). Répréssion sur la place Tiananmen à Pékin du "printemps de Pékin", mouvement étudiant réclamant la démocratie. Décès de l'Empereur Hiro-Hito après soixante-deux ans de règne (l'ère Shôwa). Même s'il n'a pas été inquiété pour son attitude pendant la guerre, son rôle avait été considérablement réduit par les Etats-Unis en 1945.

1990 En Mongolie, abolition du rôle dirigeant du Parti populaire révolutionnaire mongol (communiste pro-soviétique). Lee Kwan Yew, premier ministre de Singapour depuis 1959, cède sa place tout en conservant son pouvoir d'influence.

1994 Kim Jong Il remplace son père Kim Il Sung à la tête de la République Populaire et Démocratique de Corée (Nord, communiste). Tremblement de terre de Kobé (Japon).

1997 Le Royaume-Uni rend Hong Kong à la Chine Populaire. La cité garde une certaine autonomie ("Un pays, deux systèmes"). Mort de Deng Xiao Ping. Début de la crise financière en Asie du Sud-Est.

1998 Suharto, le dictateur indonésien est renversé. Mort de Pol Pot, chef des Khmers Rouges. Jeux Olympiques d'Hiver à Nagano (Japon)

1999 Le Portugal rend Macao à la Chine Populaire.

2001 La RPC adhère à l'OMC

2002 Indépendance du Timor Oriental. Le Japon et la Corée du Sud coorganisent la Coupe du Monde de Football.

2007 La Corée du Nord procède à un essai atomique devenant la 9ème puissance nucléaire.

2008 Jeux Olympiques à Pékin.

13 novembre 2007

Gorbatchev admet la fin de l'URSS, Discours télévisé du 25 décembre 1991

«Le destin a voulu qu'au moment où j'accédais aux plus hautes fonctions de l'État, il était déjà clair que le pays allait mal. Tout ici est en abondance, la terre, le pétrole, le gaz, le charbon, les métaux précieux, d'autres richesses naturelles, sans compter l'intelligence et les talents que Dieu ne nous a pas comptés, et pourtant nous vivons bien plus mal que dans les pays développés, nous prenons toujours plus de retard par rapport à eux. La raison en était déjà claire - la société étouffait dans le carcan du système administratif de commande. Condamnée à servir l'idéologie et à porter le terrible fardeau de la militarisation à outrance, elle était à la limite du supportable. Toutes les tentatives de réformes par­tielles ont échoué. [...] Il n'était plus possible de vivre ainsi, il fallait tout changer.

Je comprenais qu'entamer des réformes d'une telle enver­gure et dans une société comme la nôtre était une œuvre de la plus haute difficulté et dans une certaine mesure, risquée. Mais il n'y avait pas de choix. Aujourd'hui encore, je suis persuadé de la justesse historique des réformes démocra­tiques entamées au printemps 1985. [...] Néanmoins, une œuvre d'une importance historique a été accomplie :

- le système totalitaire, qui a privé le pays de la possibilité qu'il aurait eue depuis longtemps de devenir heureux et prospère, a été liquidé : une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques.

- les élections libres, la liberté de la presse, les libertés reli­gieuses des organes de pouvoir représentatifs et le multi­partisme sont devenus une réalité. Les droits de l'homme sont reconnus comme le principe suprême ;

- la marche vers une économie multiforme a commencé, l'égalité de toutes les formes de propriété s'établit. [...] Tous ces changements ont provoqué une énorme tension, et se sont produits dans des conditions de lutte féroce, sur un fond d'opposition croissante des forces du passé mori­bond et réactionnaire, des anciennes structures du Parti et d'État et de l'appareil économique, ainsi que de nos habi­tudes, de nos préjugés idéologiques, de notre psychologie nivellatrice et parasitaire. [...]

Je quitte mon poste avec inquiétude. Mais aussi avec espoir, avec la foi en vous, en votre sagesse et en votre force d'es­prit. Nous sommes les héritiers d'une grande civilisation, et, à présent, il dépend de tous et de chacun qu'elle renaisse pour une nouvelle vie, moderne et digne.»

Le discours ci-dessous n'est pas celui du 25 décembre 1991, mais celui pour la nouvelle année en décembre 1989.


La Perestroïka expliquée par Gorbatchev, 1987

«"Perestroïka", cela signifie surmonter le processus de stagnation, rompre le mécanisme de frei­nage, créer des systèmes fiables et efficaces pour accélérer le progrès social et économique et lui donner un plus grand dynamisme. "Perestroïka", cela signifie aussi initiative de masse. C'est le développement complet de la démocratie, l'autonomie socialiste, l'encouragement de l'initia­tive et des attitudes créatives, c'est aussi davantage d'ordre et de discipline, davantage de transparence, la critique et l'autocritique dans tous les domaines de notre société. C'est le respect le plus absolu pour l'individu et la prise en considération de la dignité de la personne, c'est l'in­tensification systématique de l'économie soviétique, le renouveau et l'épanouissement des prin­cipes du centralisme démocratique dans la ges­tion de l'économie natio­nale, l'introduction en tous lieux de méthodes économiques, le renonce­ment à une gestion fondée sur l'injonction et les méthodes administra­tives. [...] "Perestroïka", cela signifie le développe­ment prioritaire du domaine social, avec pour objectif de satisfaire les aspirations du peuple soviétique à de meilleures conditions d'existence et de travail, à de meilleurs loisirs, à une meilleure éducation et de meilleurs soins médicaux. »

M. Gorbatchev, Perestroïka, Flammarion,1987

[affiche : "Le PCUS, avant-garde de la Perestroïka", trouvée sur le très bon blog d'Aleksander Zakharov]

Nomenklatura

«La classe dominante de l'URSS, la "nouvelle classe", c'est la Nomenklatura. Elle le sait et c'est pourquoi elle s'en­veloppe de l'épais voile du mystère. Toute information sur les postes de la Nomenklatura est strictement secrète. Les listes de la Nomenklatura font partie des documents les plus confidentiels. Seul un cercle très restreint de fonctionnaires pourra recevoir les "listes de fonctionnaires chargés de la direction" publiés en petits fas­cicules. [...]

À la différence de la bour­geoisie, la propriété privée n'est pas le signe distinctif essentiel de la Nomenklatura. Héritière des révolutionnaires professionnels, la Nomenkla­tura n'est pas la classe des possédants. Elle est la classe des administrateurs. Adminis­trer et exercer le pouvoir sont les deux fonctions essentielles de la Nomenklatura. »

M. Voslensky, La Nomenklatura.Les privilégiés en URSS, Belfond, 1980

04 novembre 2007

Barack Obama est-il le candidat du "Soft Power" ?


(Joshua Lott / Reuters)

Qu'est-ce que le Soft Power ?

Il s'agit d'une notion utilisée dans l'analyse des relations internationale. Elle a été inventée par Joseph S. Nye dans son ouvrage Bound to Lead, The Changing Nature of American Power, (OUP, 1990). Nye est démocrate, il a travaillé pour les administrations Jimmy Carter (1977-1981) et BillClinton (1993-2001).
Voici comment le spécialiste des relations internationales Pascal Boniface définit la notion de Soft power : Joseph Nye "se basait sur une distinction en " hard power " et " soft power ". Le " hard power " c'est l'utilisation des moyens économiques et militaires pour imposer sa volonté aux autres. Le " soft power " consiste à parvenir au même résultat par l'attraction, l'influence. Le " soft power " américain réside dans ses valeurs (liberté, droits de l'homme, démocratie), son système universitaire, sa culture etc." Précisons que c'est également une méthode d'exercice de la puissance : contrairement à la force militaire qui s'appuie sur la contrainte, le soft power repose "sur la capcaité à définir l'agenda politique d'une manière qui oriente les préférences des autres. (...) Le soft power va au-delà de la persuasion ou du pouvoir de conviction grâce à l'échange d'arguments. C'est la capacité à séduire et attirer. Et l'attraction mène souvent à l'acceptation ou à l'imitation"(citation de J. Nye).

La fuite des cerveaux est ainsi une illustration de la force d'attraction du modèle américain. La promotion de ce modèle passe parfois par la réalisation de petits films en vantant les mérites, quitte à s'annexer le patrimoine naturel de son voisin canadien en montrant les chutes du Niagara, mais uniquement la partie canadienne... Coïncidence, la secrétaire d'Etat adjointe en charge de la diplomatie publique (en somme le Soft power) vient de démissionner...
Quant au côté obscur de la force... Le rôle attribué à Dick Cheney (vie-président, certains disent qu'on pourrait lui laisser uniquement la première partie de cette fonction...) par Georges Bush lui-même pour la fête d'Halloween est celui de Dar Vador ! Déclaration de l'intéressé : "Dark Vador est l'un des surnoms les plus gentils que l'on m'ait donné récemment."

Mais là je m'égare un peu ! Revenons à notre sujet.

Qui est Barack Obama ?

Barack Obama est un des candidats pour l'investiture démocrate aux Etats-Unis. Il est donné deuxième dans les intentions de vote pour les primaires derrière Hillary Clinton, ex-First Lady pendant huit ans. Ces primaires commencent en janvier par l'Iowa, petit Etat peu peuplé, mais sans doute celui où les candidats dépensent le plus parce que celui ou celle qui remporte cette primaire possède un avantage psychologique difficile à renverser ensuite. Il est actuellement sénateur de l'Illinois, relativement jeune (45 ans) a des origines variées (un père kenyan, une mère américaine, un beau-père indonésien) qui en font le candidat idéal de la diversité américaine. Voyez son site officiel.

En quoi Obama serait-il le candidat du Soft Power ?

L'administration Bush ne s'est pas distinguée, vous l'aurez sans doute remarqué..., par sa capacité de persuasion et sa "puissance douce". Un des problèmes d'Obama est sa crédibilité, en particulier en matière de politique étrangère. Pourtant, selon Joseph Nye lui-même, Barack Obama "ferait plus pour le "soft power" des Etats-Unis à travers le monde que quoi que ce soit d'autre que nous fassions". Réconcilier les orientations antagonistes de la politique étrangère américaine et dépasser ses clivages traditionnels entre réalistes et idéalistes, entre multilatéralistes et unilatéralistes serait-il possible avec Obama à la Maison Blanche ?Quelques éléments de réponse avec cet article en anglais (à lire ou à écouter) paru dans le New York Times Magazine.

[photo : Baba, "La fuite des cerveaux..."]


Le développement durable dans les pays en développement : l'exemple de quelques mégapoles

[La carte du nombre de patients pour chaque médecin dans le monde; Plus le chiffre est important et proche du rouge, moins l'encadrement médical est fort... Carte obtenue sur ce remarquable site : Strangemaps]

Compte rendu de la Conférence d'Elisabeth Dorier-Aprrill sur le développement durable dans les pays en développement au FIG 2007

Le rapport Brundtland ayant pour titre "Notre avenir a tous" en 1987 a donné une toute nouvelle notion et sa définition: le développement durable.
Il le définit ainsi :
« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

Il y a donc trois pilliers du développement durable :
- l'économie
- la société
- l'environement

La transition urbaine engendre une forte augmentation de la population dans les pays du sud, plus en ville qu'en campagne.
Ainsi, les villes des PVD auront les plus fortes populations en 2020. (par accroissement naturel et non seulement par immigration)

Nous avons vu plusieurs cas: la situation de Lagos au Niger, du Caire en Egypte, de Mexico au Mexique, Brazaville au Congo, et Dakar au Sénégal :

1) Lagos:

La mégapole a de 8 à 10 millions d'habitants.
Les villes vont donc poser des problemes car il y a une nécéssité d'aménagement du territoire.
Les petites villes se multiplient.
Les périphéries s'étalent car il y a peu de logement sociaux.

2) Le Caire:

Il y a une forte densité intra-urbaine.
Les logements dans les périphéries sont très dangereux car ils ne respectent pas les normes de sécurité et au moindre séisme tout peut s'éfondrer...
Les "chiffoniers du Caire" sont nombreux, il s'y trouve un tres grand nombre de déchets, jusqu'à meme des élevages d'oiseaux, de cochons...avec énormément d'habitants.
Des villes touristiques et pavillonaires se crééent comme "New Cairo" où l'air semble pur, il y a de la verdure, l'ambiance parait moins étouffante, alors qu'en fait une ville dans le désèrt revient très cher.Iil faut des irrigations pour alimenter la ville en eau... et dans les déserts les habitants consomment environ 300L d'eau par jour ! Le développement de ce genre de ville n'est pas durable du tout.
De plus les logements, piscines... sont en contradiction avec la culture du pays.

3) Mexico:

Il y a beaucoup de problèmes de logements et de transports.
Il y a une forte augmentation du nombre d'automoblies, de minibus...
On essaie de ne pas trop développer les métros car ils sont bien trop couteux mais on essaie plutot de développer les transports en communs.

4) Brazaville:

Il y a une forte restriction d'eau et une forte pollution de celle-ci.
Il y aurait environ 1h d'eau disponible par nuit.Pas plus.

5) Dakar:

Il y a une forte baisse des nappes phréatiques.
De plus, la pollution y est forte: pour la culture de canne à sucre les pesticides et autres sont utilisés... il faut traiter l'eau car il y a des algues...
Concernant la distribution de l'eau la profession de fontainier a été créée : on le paie au litre d'eau.


Il y a donc divers problemes concernant le développement durable dans ces pays en voie de développement : problemes financiers, si il y a beaucoup d'eau distribuée il y aura trop d'eau à traiter... le développement de l'agriculture engendre une pollution de l'eau...

Emilie Kjlimenta

23 octobre 2007

Esclavage à La Réunion

En France, rares sont les espaces aussi marqués que La Réunion par l’histoire de son peuplement. La situation géographique de l’île est une des explications de sa diversité culturelle, mais ce sont avant tout les soubresauts historiques liés à la culture de la canne et donc à l’esclavage qui ont marqué La Réunion.

Un rappel des faits s’impose pour bien saisir le processus qui aboutit à une identité multiculturelle intense. Du nord au sud, mais surtout des bas aux hauts, la diversité culturelle et ethnique de l’île ne cesse aujourd’hui de revendiquer son unité autour de la langue créole et de la reconnaissance d’un passé historique commun.

Rappel historique.

La période de l'esclavage a profondément marqué l'histoire de La Réunion, comme celle des autres anciennes colonies françaises d'outre-mer. Pour autant, il est difficile de dire quand, précisément, furent acheminés les premiers esclaves: le peuplement de l'île devient définitif en 1663, avec les premiers colons et des Malgaches.

Dès 1689, l'île compte 113 esclaves, sur 212 habitants! En 1714, ils sont 534 sur 623 habitants.

C’est dans un premier temps avec l’obligation de planter du café, très gourmand en main d’œuvre, que, vers 1715, les esclaves arrivent en masse de Madagascar et de la côte orientale africaine. A partir de 1770 l’arrivée de cafres (esclaves d’Afrique) dépasse largement la main d'oeuvre en provenance de Madagascar. On reproche à ces derniers leur propension au "marronnage", c'est-à-dire à la fuite vers les hauteurs de l'île. Les cafres viennent essentiellement de la côte mozambicaine et du golfe d'Aden. On pense que 115 000 esclaves auraient été introduits aux Mascareignes entre 1769 et 1810.

En 1794 la Révolution française interdit l’esclavage, mais le décret n’est jamais appliqué. En effet, les deux commissaires du Directoire chargés, tardivement, de l’appliquer, sont chassés de Port-Louis par les exploitants agricoles… et Napoléon 1er rétablit officiellement l’esclavage en 1802.

Au 19ème siècle, au cycle du café succède celui de la canne à sucre, tout autant demandeuse de main d'œuvre. A partir de ce moment l’île va littéralement se construire autour de la canne à sucre. A travers celle-ci se forme une identité créole faite des différentes origines ethniques.

En effet la minorité des propriétaires terriens blancs cherche à diversifier les lieux de provenance des esclaves afin de prévenir toute tentative de révolte à partir d'un noyau ethnique important. Cette diversité permet aux autorités coloniales de jouer sur la division selon le fameux adage "diviser pour mieux régner ". Ces différences culturelles et ethniques ne permettent alors pas une réelle unité, une conscience commune du monde esclave. Il y a pourtant des révoltes : celle de 1799, à Sainte Rose, où 11 inculpés sont condamnés à mort, celle de 1811 à St Leu où la répression est extrêmement brutale, car il faut décourager toute nouvelle initiative.

A partir de 1817, la traite est de nouveau interdite, ce qui n'empêche pas les arrivées clandestines jusque vers 1830. A la date de l'abolition de l'esclavage en 1848, le nombre d'esclaves est de 60 800, après avoir culminé à 69 983 en 1834.


Par la révolution de février 1848, d'emblée acquise à la suppression de l'esclavage, le gouvernement provisoire, sous l'influence de Schoelcher, décide d'aller vite. Le 27 avril 1848, sort le fameux décret commençant par : « l'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles… ».


Sarda Garriga est alors chargé de l'application de cette grande réforme à La Réunion, où il est envoyé en qualité de commissaire général de la République. Lorsqu'il parvient dans l'île le 14 octobre 1848 il la trouve entièrement calme: on n'y a connu, à l'annonce des décrets parisiens, ni de réactions violentes des propriétaires, ni d'émeutes d'esclaves désireux de hâter les choses. Cependant, il s’est dégagé une majorité, au sein de l'assemblée générale de délégués des maîtres d'esclaves réunie à St Denis, pour affirmer ses sentiments de soumission de principe aux décisions métropolitaines, mais aussi pour obtenir, du commissaire, un ajournement de l'application des décrets jusqu'à la fin de la campagne sucrière... D'autre part les esclaves sont fort inquiets et craignent que la libération annoncée ne se produise jamais. Que va faire Sarda ? S'il transige, il se met à la merci d'une classe. S’il promulgue immédiatement le décret d'abolition, c'est le saut dans l'inconnu…

Le commissaire général montre immédiatement de la fermeté vis-à-vis des propriétaires. Il reçoit les représentations de leur assemblée...mais refuse tout ajournement. Dès le 19 octobre le décret est promulgué: les esclaves sont donc libres le 20 décembre, mais Sarda doit s'occuper du maintien de l'activité économique. Aussi, avant même la promulgation lance-t-il sa fameuse proclamation dans laquelle l'accent est mis sur le devoir du travail. Puis il s'attaque à sa réglementation… les esclaves sont tenus de contracter un engagement avec un patron. Les esclaves ne tardent pas à s'en inquiéter. Certains parlent de travail forcé. Le commissaire voit immédiatement le nouveau danger et entreprend son mémorable tour de l'île au cours duquel, avec une inlassable patience, il explique aux esclaves la nécessité des engagements.


Quand vient le grand jour du 20 décembre, les nouveaux citoyens manifestent une maturité étonnante. Il n'y a pas le moindre désordre, pas même d'ivresse. La joie manifeste, mais mesurée, se traduit par quelques danses et par des cortèges ordonnés… Le lendemain tout le monde est au travail. Les ateliers de discipline n'ont à recueillir qu'une centaine de chômeurs volontaires alors que l'on vient de libérer d'un seul coup 60 000 personnes.

Dès avant 1848, date de l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, plusieurs propriétaires recrutent des "engagés", en provenance des colonies britanniques indiennes. Ainsi, à la fin de l'année 1848, l'île compte parmi les immigrants engagés des Indiens, des Africains et des Chinois... Beaucoup repartent à la fin de leur contrat d'engagement, car les propriétaires terriens qui les emploient ne font guère de différence dans leur manière de les traiter avec leur ancienne main d'oeuvre servile... L'engagisme prend fin en 1933, avec la révolte des travailleurs engagés Rodriguais.

Les conséquences aujourd’hui.

La composition sociologique de La Réunion est donc ancrée dans un processus de peuplement forcé. Les différentes origines des esclaves façonnent la population d’aujourd’hui. Mais tout en gardant leurs identités propres ces peuples transcendent leurs différences pour se réunir autour de valeurs communes : la créolité, la canne à sucre… Les peuples ont apporté leur culture, leurs traditions et l’île compose autour de ces acquis. Notons la cœxistence de quelques origines ethniques différentes : les cafres, les petits blancs des hauts, les malgaches, les malbars, les chinois, les Zarabes, les Zoreils…

Les cafres. Le terme est usité à la Réunion, où il a le sens de « personne d'origine africaine ». Il a donné son nom à la Plaine des Cafres et, le 20 décembre, la fête des Cafres célèbre l’abolition de l’esclavage proclamée en ce jour de 1848 par Sarda-Garriga. Un bal libre, rythmé aux sons du rouler, du bobre, du kayamb, ces instruments hérités d’Afrique est donné chaque 20 décembre, jour férié.

Les Petits Blancs des Hauts sont les habitants des Hauts de l'île de la Réunion dont la peau est claire et le statut social peu élevé. Il s’agit des petits exploitants agricoles ruinés par l’abolition de l’esclavage. Alors que le Blanc reste aujourd'hui associé à l'esclavagisme dans l'imaginaire de l'archipel antillais, il est davantage considéré comme une composante neutre de la population dans le département d'outre-mer français de l'océan Indien. C'est d'autant plus vrai que des communautés comme celles que forment les Zarabes ou les personnes originaires de Chine ont par ailleurs pu s'enrichir rapidement grâce au commerce, ce qui a permis une forme d'égalité sociale. Cette dernière permet elle-même la dilution des identités communautaires dans un ensemble créole. Aujourd'hui, les terres qu'habitent les petits Blancs des Hauts font l'objet d'une réhabilitation importante de la part des pouvoirs publics. L'élevage qu'ils pratiquent se développe rapidement. Ils restent tout de même frappés par un chômage très important, supérieur à 50% dans certains îlets.

L’esclavage reste le même partout dans le monde. Cela dit, à l’inverse des Antilles, le recrutement des esclaves dans l’Océan indien s’opérait de façon variée. Les esclaves pouvaient être Indiens, Malgaches ou venir d’Indonésie et surtout d’Afrique. Ici, la langue créole et la reconnaissance d’une appartenance commune a créé un lien fort entre les différentes composantes d’origines. Il y a véritablement une marche vers une " réunionité " qui s’affirme de plus en plus dans les représentations culturelles et dans la quotidienneté des habitants de l’île. A la Réunion, on s’accepte, même s’il reste des séquelles encore perceptibles d’un racisme lié à l’histoire de l’esclavage, qui concerne encore la population d’origine africaine. Cela dit, les réunionnais s’acceptent dans leur diversité culturelle et cultuelle. Pour exemple, l’affaire du voile est en quelque sorte anachronique et n’a pas lieu d’être ici. Les réunionnais, qu’ils soient musulmans, catholiques, hindouistes ou autres s’acceptent sans se poser de questions dans leur vécu religieux. Pour eux, le pluralisme culturel et cultuel se conçoit dans le partage et l’acceptation de l’autre.


Fred Menigoz


- Des liens, des documents, une bibliographie
- Le texte de la proclamation de Sarda-Garriga du 20 décembre 1848
- Retrouvez le sommaire du dossier sur l'histoire et les mémoires de l'esclavage.


22 octobre 2007

Texte de la proclamation du 20 décembre 1848 signé par SARDA-GARRIGA.


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ

20 DÉCEMBRE 1848.

AUX TRAVAILLEURS.

Mes amis.

Les décrets de la République française sont exécutés : Vous êtes libres. Tous égaux devant la loi, vous n'avez autour de vous que des frères.

La liberté, vous le savez, vous impose des obligations. Soyez dignes d'elle, en montrant à la France et au monde qu'elle est inséparable de l'ordre et du travail.

Jusqu'ici, mes amis, vous avez suivi mes conseils, je vous en remercie. Vous me prouverez que vous m'aimez en remplissant les devoirs que la Société impose aux hommes libres.

Ils seront doux et faciles pour vous. Rendre à Dieu ce qui lui appartient, travailler en bon ouvriers comme vos frères de France, pour élever vos familles; voila ce que la République vous demande. Vous avez tous pris des engagements dans le travail : commencez-en dès aujourd'hui la loyale exécution. Un homme libre n'a que sa parole, et les promesses reçues par les magistrats sont sacrées.

Vous avez vous-même librement choisi les propriétaires auxquels vous avez loué votre travail : vous devez donc vous rendre avec joie sur les habitations que vos bras sont destinés à féconder et où vous recevrez la juste rémunération de vos peines.

Je vous l'ai déjà dit, mes amis, la Colonie est pauvres beaucoup de propriétaires ne pourront peut-être payer le salaire convenu qu'après la récolte. Vous attendrez ce moment avec patience. Vous prouverez ainsi que le sentiment de fraternité recommandé par la République à ses enfants, est dans vos cœurs.

Je vous ai trouvés bons et obéissants, je compte sur vous. J'espère donc que vous me donnerez peu d'occasion d'exercer ma sévérité; car je la réserve aux méchants, aux paresseux, aux vagabonds et à ceux qui, après avoir entendu mes paroles, se laisseraient encore égarer par de mauvais conseils.

Mes amis travaillons tous ensemble à la prospérité de notre Colonie. Le travail de la terre n'est plus un signe de servitude depuis que vous êtes appelés à prendre votre part des biens qu'elle prodigue à ceux qui la cultivent.

Propriétaires et travailleurs ne feront plus désormais qu'une seule famille dont tous les membres doivent s'entraider. Tous libres, frères et égaux, leur union peut seule faire leur bonheur.

La République, mes amis, a voulu faire le votre en vous donnant la liberté. Qu'elle puisse dire que vous avez compris sa généreuse pensée, en vous rendant dignes des bienfaits que la liberté procure.

Vous m'appelez votre père; et je vous aime comme mes enfants; vous écouterez mes conseils : reconnaissance éternelle à la République française qui vous a fait libres ! et que votre devise soit toujours Dieu, la France et le Travail.

Vive la République ! Signé SARDA-GARRIGA


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Des liens et des lectures sur l'esclavage à La Réunion

Une sélection réalisée par Fred Menigoz

Des liens vers des textes et des documents :

Quelques lectures pour approfondir :

  • Cahiers des Anneaux de la mémoire, N°2, Esclavage et engagisme dans l'Océan Indien, La traite atlantique, Nantes, 2000 (9 contributions concernent l'océan Indien, et 4 le monde atlantique)
  • Bourquin A. , Histoire des Petits-Blancs de la Réunion : XIXe-début XXe siècle : aux confins de l'oubli, Karthala, coll. « Hommes et sociétés », Paris, 2005, 327 p.
  • DESPORT, Jean Marie, De la servitude à la liberté: Bourbon des origines à 1848, Océan éditions, 1989
  • FUMA, Sudel, L'abolition de l'esclavage à La Réunion, Histoire de l'insertion des 62 000 affranchis de 1848 dans la société réunionnaise, GRATHER et Océans éditions, 1998
  • GERBEAU, Hubert, Les esclaves noirs, pour une histoire du silence, Océan éditions, 1998
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17 octobre 2007

La France et l'Algérie : 130 ans d'aveuglement

Conférence de l'historien Michel Winock le 7 février 2002 à Paris

Algérie : Bilan d'une guerre d'indépendance

Conférence de l'historien Mohamed Harbi le 14 mars 2002 à Paris

16 octobre 2007

Discours de Georges C. Marshall à Harvard le 5 juin 1947

Je n'ai pas besoin de vous dire, Messieurs, que la situation mondiale est très grave. Cela est bien évident pour tous les gens intelligents. Je crois que l'une des plus sérieuses difficultés, c'est que le problème est d'une si grande complexité que la masse même des faits présentés au public par la presse et la radio rend extrêmement difficile, pour l'homme de la rue, une évaluation nette de la situation. De plus, la population de ce pays se trouve très loin des régions troublées de la terre, et elle a beaucoup de peine à imaginer la misère, les réactions qui la suivent chez les peuples qui ont longtemps souffert, et l'effet que ces réactions ont sur leurs gouvernements au cours de nos tentatives pour établir la paix dans le monde.

Lorsqu'on a étudié les besoins de la reconstruction de l'Europe, les pertes en vies humaines, les destructions de villages, d'usines, de mines et de voies ferrées ont été estimées de façon assez exacte, mais il est devenu évident au cours des mois qui viennent de s'écouler que ces destructions visibles sont probablement moins graves que la dislocation de toute la structure de l'économie européenne. Depuis dix ans la situation est très anormale. Les fiévreux préparatifs de guerre et l'activité encore plus fiévreuse déployée pour soutenir l'effort de guerre ont détruit toutes les branches des économies nationales. L'outillage industriel n'a pas été entretenu, a été endommagé ou est tout à fait démodé. Sous la domination arbitraire et destructive des Nazis, presque toutes les entreprises ont été attelées à la machine de guerre allemande. Les relations commerciales anciennes, les institutions privées, les banques, les compagnies d'assurances et les compagnies de navigation ont disparu, faute de capitaux, par suite de leur absorption lorsqu'elles ont été nationalisées, ou simplement parce qu'elles ont été détruites. Dans beaucoup de pays, la confiance en la monnaie nationale a été rudement ébranlée. L'effondrement de la structure commerciale de l'Europe s'est produit pendant la guerre.

La reprise économique a été sérieusement retardée par le fait que deux ans après la cessation des hostilités l'accord n'a pas encore été réalisé sur les traités de paix avec l'Allemagne et avec l'Autriche. Mais, même si une solution plus rapide de ces problèmes difficiles était acquise, la reconstruction de la structure économique de l'Europe demandera évidemment beaucoup plus de temps et des efforts plus grands que nous ne l'avions prévu.

L'un des aspects de ce problème est à la fois intéressant et grave : le fermier a toujours produit les vivres qu'il peut échanger avec les citadins contre les autres choses nécessaires à la vie. Cette division du travail est à la base de la civilisation moderne. A l'heure actuelle, elle est menacée de ruine. Les industries des villes ne produisent pas assez de marchandises à échanger avec les fermiers producteurs de vivres. Les matières premières et le combustible manquent. L'outillage industriel manque, ou est trop usé. Le fermier et le paysan ne peuvent trouver sur le marché les marchandises qu'ils veulent acheter. Si bien que la vente de leurs produits fermiers en échange d'argent qu'ils ne peuvent utiliser leur semble une transaction sans intérêt. Ils ont donc cessé de cultiver beaucoup de champs pour en faire des pâtures, bien qu'ils manquent de vêtements et des autres produits ordinaires de la civilisation. Pendant ce temps, les habitants des villes manquent de vivres et de combustible. Les gouvernements sont donc forcés de se servir de leurs ressources en devises étrangères et de leurs crédits pour acheter ces produits indispensables à l'étranger, épuisant ainsi les fonds dont ils ont un urgent besoin pour la reconstruction. Une situation très grave se crée donc rapidement, qui est de fort mauvais augure pour le monde. Le système moderne qui repose sur la division du travail et l'échange des produits est en danger de s'effondrer.

La vérité, c'est que les besoins de l'Europe pendant les trois ou quatre prochaines années en vivres et en autres produits essentiels importés de l'étranger notamment d'Amérique - sont tellement plus grands que sa capacité actuelle de paiement qu'elle devra recevoir une aide supplémentaire très importante ou s'exposer à une dislocation économique, sociale et politique très grave.

Le remède consiste à briser le cercle vicieux et à restaurer la confiance des habitants de l'Europe tout entière. Le fabricant et le fermier, dans de très vastes régions, doivent pouvoir et vouloir échanger leurs produits contre des monnaies dont la valeur constante ne fasse pas de doute.

En dehors de l'effet démoralisant qu'a le désespoir des peuples en question sur le monde entier, et des troubles qu'il peut provoquer, les conséquences de cette situation pour l'économie des Etats-Unis devraient être évidentes pour tous. Il est logique que les Etats-Unis doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour aider à rétablir la santé économique du monde, sans laquelle la stabilité politique et la paix assurée sont impossibles. Notre politique n'est dirigée contre aucun pays, aucune doctrine, mais contre la famine, la pauvreté, le désespoir et le chaos. Son but doit être la renaissance d'une économie active dans le monde, afin que soient créées les conditions politiques et sociales où de libres institutions puissent exister. Cette aide, j'en suis convaincu, ne doit pas être accordée chichement, chaque fois que surviennent les crises. Toute aide que ce gouvernement pourra apporter à l'avenir devrait être un remède plutôt qu'un simple palliatif. Tout gouvernement qui veut aider à la tâche de la reprise économique jouira, j'en suis sûr, de la plus entière coopération de la part du gouvernement des Etats-Unis. Tout gouvernement qui intrigue pour empêcher la reprise économique des autres pays ne peut espérer recevoir notre aide. De plus, les gouvernements, les partis et les groupes politiques qui cherchent à perpétuer la misère humaine pour en tirer un profit sur e plan politique ou sur es autres plans se heurteront à l'opposition des Etats-Unis.

Il est déjà évident qu'avant même que le gouvernement des Etats-Unis puisse poursuivre plus loin ses efforts pour remédier à la situation et aider à remettre l'Europe sur le chemin de la guérison, un accord devra être réalisé par les pays de l'Europe sur leurs besoins actuels et ce que ces pays de l'Europe feront eux-mêmes pour rendre efficaces toutes les mesures que ce gouvernement pourrait prendre. Il ne serait ni bon ni utile que ce gouvernement entreprenne d'établir de son côté un programme destiné à remettre l'économie de l'Europe sur pied. C'est là l'affaire , des Européens. L'initiative, à mon avis, doit venir de l'Europe.

Le rôle de ce pays devrait consister à apporter une aide amicale à l'établissement d'un programme européen, et à aider ensuite à mettre en œuvre ce programme dans la mesure où il sera possible de le faire. Ce programme devrait être général et établi en commun par un grand nombre de nations européennes, sinon par toutes.

[photo E. Augris : Portrait dédicacé de Georges C. Marshall offert à Robert Schuman, Maison Robert Schuman à Scy Chazelles]

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