21 décembre 2005

Corrigé de la composition du 10 décembre

La démocratie américaine depuis 1945, fondements, fonctionnement, problèmes
I - Un modèle fondé sur des principes démocra­tiques

A. Une réalisation de l'idéal des Lumières
La démocratie américaine s'appuie sur un certain nombre de textes fon­dateurs qui puisent leurs principes dans les idées des Lumières. La décla­ration d'Indépendance du 4 juillet 1776 les rappelait : liberté individuelle, égalité entre les citoyens et principes démocratiques comme fondements de l'organisation politique et sociale.
Dès l'Indépendance en 1783, les Etats-Unis se structurent sur la base de la démocratie représentative et du fédéralisme : les citoyens, détenteurs de la souveraineté, élisent au suffrage universel des représentants dans chaque État pour exercer le pouvoir et les États se choisissent un gouver­nement fédéral pour les unir. Ils sont aujourd'hui au nombre de cinquante.

B. Une Constitution ancienne
La Constitution rédigée en 1787 par les héros de l'Indépendance, consi­dérés comme des « pères fondateurs », est une des plus anciennes du monde et est toujours en vigueur. Elle a été enrichie depuis d'un certain nombre d'ajouts, des amendements (vingt-six au total). Elle met en place la sépa­ration et l’équilibre des pouvoirs, aussi bien au niveau des différents États que de l'État fédéral.
Dans chaque État un gouverneur exerce le pouvoir exécutif, un Parlement possède le pouvoir législatif. Les compétences des États ne sont pas négligeables même s'ils doivent se soumettre aux lois fédérales : ils ont leur Constitution, leurs lois, sont souverains en matière de police, de justice, d'éducation... Au niveau fédéral, le Parlement, appelé Congrès, est divisé en deux: la Chambre des représentants (le nombre de députés est proportionnel à la population des États) et le Sénat (deux sénateurs par État). Le pouvoir exécutif est dans les mains du Président, élu avec un vice-Président pour quatre ans par des grands électeurs dans chaque État. Il nomme des secré­taires pour former son gouvernement. Il ne peut intervenir contre le pou­voir législatif (son droit de veto ne peut que suspendre une loi) et celui-ci ne peut intervenir contre le Président qu'en cas de raison grave (procédure d’impeachment). Le pouvoir du Président est fort, c'est pourquoi on parle de régime présidentiel pour les États-Unis.
Une Cour suprême, composée de neuf juges élus à vie, couronne l'édifice judiciaire américain et contrôle la constitutionnalité des lois.
Les institutions politiques américaines ont été pensées afin de mettre en place un équilibre entre les pouvoirs. Après 1945, ceux-ci ont connu une réelle évolution due aussi bien à la situation internationale qu'aux rapports de force politiques internes.

II - Le jeu politique fait évoluer le régime

A. L'alternance politique, base de la démocratie
Le système américain, bien qu'il permette le pluralisme politique, s'appuie sur le bipartisme. Deux partis politiques se partagent le pouvoir à toutes les échelles et forment l'un comme l'autre deux larges coalitions de ten­dances politiques. Il y a peu de différences entre les deux, aucun ne remet en cause le modèle américain.
Le parti républicain paraît le plus libéral et le plus conservateur, surtout depuis la victoire de Reagan en 1980. Il a pour doctrine l'affaiblissement de l'État fédéral afin de laisser plus de libertés aux États et aux individus, notamment dans le domaine économique. Le parti démocrate milite pour une intervention, même minime, dans le domaine social afin de limiter les inégalités. Il reçoit souvent l'appui des minorités, des classes populaires mais aussi des intellectuels.
Ce bipartisme a permis l'alternance des Présidents. Démocrates et républi­cains se sont partagé les décennies : tenue par un démocrate à la sortie de la guerre, la présidence passe aux républicains avec Eisenhower dans les années 1950 avant de revenir aux démocrates dans les années 1960 (J.F. Kennedy puis L.B. Johnson), de redevenir républicaine avec Nixon et Ford (1968-1976), puis Reagan (1980-1988) et Bush (1988-1992) après un intermède démocrate (Carter, 1976-1980). W. Clinton, démocrate, domine les années 1990 et voit un républicain revenir au pouvoir en 2000 avec le fils de G. Bush.

B. L'évolution de la fonction présidentielle
Dans le contexte très tendu de la guerre froide, le Président renforce ses pouvoirs. Cette tendance commence dès Truman mais est reprise par le général Eisenhower dont l'élection montre une réelle inquiétude vis-à-vis de la montée en puissance de l'URSS. La détente ne modifie pas la ten­dance : le lancement de grandes politiques, notamment sociales (« The New Frontier), dans les années 1960 par les administrations démocrates justi­fie le rôle d'impulsion et de coordination du Président. Le Congrès profite du scandale du Watergate en 1974, menaçant le Président Nixon d'une procédure d’impeachment - celui-ci préfère démis­sionner -, pour effectuer un rééquilibrage entre les pouvoirs qui oblige à la négociation et au compromis entre exécutif et législatif. On assiste par­fois à un réel phénomène de «cohabitation», surtout lorsque la couleur politique diffère entre pouvoirs exécutif et législatif. Ainsi W. Clinton dut mener sa politique d'intervention de l'Etat tout en cherchant l'appui d'un Congrès majoritairement républicain et hostile à sa politique.

C. L'exercice des libertés
L'affaire du Watergate fut révélée grâce à la presse. Elle rappelle le rôle de plus en plus important des média, littéralement désignés comme un quatrième pouvoir aux États-Unis. Les média permettent d'effectuer un contrôle des gouvernants et d'établir un lien entre ceux-ci et les gouvernés. Lien dont pro­fitent largement les premiers pour mener leurs campagnes, véritables machines à spectacle au coût exorbitant (des dizaines de millions de dollars). La liberté d'association permet aux citoyens de se former en groupes d'in­térêt (défense des consommateurs, groupes écologiques, etc.) voire de pres­sion : on parle alors de lobbies, qui jouent un rôle non négligeable dans le processus de formation de la loi, soit par l'incitation soit au contraire pour l'amender voire l'écarter...
Elle s'accompagne de la liberté de manifester, essentielle notamment dans les années 1960 (mouvement des droits civiques pour l'égalité des Noirs, mouvements pacifistes contre la guerre du ViêtNam...).
Cette mobilisation des citoyens a joué un rôle important dans l'évolution du régime. Elle a permis notamment de pointer du doigt les insuffisances de la démocratie américaine et de les corriger.

III - Les problèmes d'une grande démocratie

A. Les entorses aux libertés
Le rôle des média et des citoyens a notamment été crucial pour dénoncer le non-respect des principes fondateurs de la démocratie dans les domaines de la liberté et de l'égalité.
Les États-Unis n'ont pas été à l'abri de dérives, souvent liées à l'exercice de leur rôle impérial après 1945. Dès cette époque, la «chasse aux sor­cières » lancée contre les communistes ou leurs sympathisants soupçonnés, culminant dans le délire du maccarthysme jusqu'en 1954, a menacé la liberté individuelle en particulier dans le domaine de la culture. Récemment, les critiques portées contre le comportement de l'armée en Irak, en Afghanistan ou même sur la base de Guantanamo rappellent la difficulté qu'il y a à conjuguer défense et respect de la démocratie. Comme on l'a vu précédemment, il existe aux États-Unis un courant de forte critique de l'État, considéré comme un obstacle à l'exercice total des libertés individuelles. Cette aspiration à une plus grande liberté, née notam­ment dans les mouvements civiques des années 1960, a été paradoxalement réalisée par le reaganisme, surtout dans le domaine économique.

B. La question de l'égalité sociale
Dans le contexte de la crise économique des années 1970, ce tournant ultralibéral a considérablement approfondi les inégalités sociales, avec l'ap­parition des Working Poors (salariés pauvres). Cette rupture sociale relance aujourd'hui encore le débat sur le point faible du système américain. La question noire est très symbolique de ce débat et traverse toute la période depuis 1945. Dès le milieu des années 1950 commence la lutte pour les droits civiques que mène notamment Martin Luther King. Des avancées significatives sont obtenues dans les années 1960 (fin de la ségrégation, d'abord dans les écoles : décision de la Cour suprême dès 1954, puis sur les listes électorales, élection de maires noirs dans certaines grandes villes...). Mais la situation sociale des Noirs et d'autres minorités est encore diffi­cile comme en témoignent les émeutes de Los Angeles en 1992. Elle explique en partie aussi la désaffection d'une part croissante de la popu­lation pour les enjeux de la démocratie : aujourd'hui, les Présidents sont souvent élus après participation de moins de la moitié des électeurs...

Conclusion
Le régime américain, depuis l'affaiblissement de l'Europe et la chute du communisme, apparaît aujourd'hui comme la référence en matière de démocratie, notamment pour les peuples soumis aux dictatures. Ce n'est pas un hasard si les pays d'Europe de l'Est, après 1989, ont adopté des structures se rapprochant plus du modèle américain que de la démocratie française ou anglaise.
Mais la question des inégalités, très fortes et justifiées par l'aspiration à la plus grande liberté individuelle, montre les limites de ce modèle. Le manque croissant de mobilisation des citoyens inquiète aussi puisque celle-ci est le fondement absolu de toute démocratie...
[source : Annales 2005 : Histoire Géographie, Nathan, 2004]

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