29 avril 2007

V. La Hongrie sous le stalinisme (1945-1956)

Libérée par l'Armée rouge de la domination nazie et du gouvernement des Croix-fléchées de Ferenc Szalasi, la Hongrie va vivre quelques années de semi-liberté avant de connaître la domination soviétique.
Le pays, libéré au début de 1945 (totalement le 4 avril), est sous la surveillance d'une commission de contrôle alliée dirigée par le Maréchal Kliment Vorochilov. Celui-ci est peu soucieux de consulter ses partenaires et va accompagner la transition progressive vers l'établissement d'une "démocratie populaire".
Un gouvernement national a été formé à Debrecen avant même que Budapest ne soit reprise aux Allemands. Il est de fait dominé par les communistes, même s'il est pluraliste. C'est ce gouvernement qui a signé l'armistice et déclaré la guerre à l'Allemagne. L'ancien système foncier est aboli pour permettre la réforme agraire. Toutes les grandes propriétés sont redistribuées.

Une nouvelle assemblée nationale est élue en novembre 1945. Pour la première fois (et la dernière avant 1990), ces élections sont libres. Les communistes ne remportent que 17% des voix, comme les sociaux-démocrates. Le vainqueur est le parti des petits propriétaires avec 57%. Zoltan Tildy qui le dirige, devient chef d'un gouvernement de coalition comprenant les 4 partis du Front National d'indépendance (dont les communistes, les sociaux-démocrates et le parti paysan national proche du PC). Mais les communistes ont dans ce gouvernement une place importante grâce à la pression de Vorochilov.

"La tactique du Salami"

A partir de cette position minoritaire mais avec la bienveillance des troupes soviétiques et le contrôle de la police politique (AVO), Matyas Rakosi, leader communiste et vice-président du gouvernement, va parvenir à ses fins. En s'attaquant à ses alliés séparément, il parvient entre 1945 et 1948 à fonder une dictature communiste inféodée à Moscou. Cette prise du pouvoir a moins marqué les esprits que le Coup de Prague de 1948 mais fut tout aussi efficace.
Elle s'est faite en trois étapes :
1. Etablissement d'un front et d'une coalition gouvernementale
2. Contrôle de la police et des forces de sécurité
3. Elimination ou absorption des autres partis du Front
C'est Rakosi lui-même qui décrit ce processus en 1952. Pressions, divisions, mais aussi intimidations alternent pour se débarasser du parti des petits propriétaires. Son leader, pourtant premier ministre, est contraint à la démission et à l'exil. Le parti social-démocrate est contraint de fusionner avec le parti socialiste. Les adversaires, coupés en tranches, tel un salami, n'ont pu que constater leur échec.


Ainsi, le parti communiste passe de 22% des voix en 1947 à 96,27% le 15 mai 1949. L'armée soviétique, malgré le traité de paix de 1947, reste sur le territoire hongrois. Les écoles chrétiennes sont étatisées. La Hongrie, sous la férule de Rakosi, plonge dans la nuit stalinienne.

Le pouvoir s'attaque à ses "ennemis" : les "koulaks"(paysans aisés), la noblesse, tous ceux qui expriment une opinion divergente. Mais l'AVO/AVH (police secrète qui a son siège sur le boulevard Andrassy, Sztalin ut à l'époque), s'attaque aussi aux communistes qu'elle juge suspects. L'ancien ministre de l'intérieur Laszlo Rajk fait ainsi les frais de la vague de purges qui sévit dans toutes les démocraties populaires sous l'impulsion de Staline (procès Slansky en Tchécoslovaquie en 1952). Il est torturé et exécuté (sa réinhumation publique en 1956 est l'occasion d'un rassemblement considérable et marque les prémisses de la Révolution) pour "titisme" (il s'agit de prouver que le dirigeant yougoslave Tito qui a rompu avec Staline, tente d'entrainer avec lui d'autres pays communistes).


Une déstalinisation précoce mais manquée

Dès avril 1953, juste après la mort de Staline, Rakosi est convoqué à Moscou. A son retour, s'il garde les rênes du parti, il doit laisser le poste de premier ministre à Imre Nagy, un communiste réformateur qui parle (déjà, 15 ans avant Dubcek) d'un "socialisme à visage humain". Il met en place une politique économique plus tournée vers la production de biens de consommation, rassure les paysans et assure le retour à la "légalité socialiste" mise à mal sous Rakosi. Mais selon la formule de l'historien Miklos Molnar, la Hongrie a "un gouvernement réformiste, etun parti stalinien". Rakosi garde en effet le contrôle du parti et profite de changements à Moscou pour écarter Nagy qui perd jusqu'à sa carte de membre du parti.

[images : affiche du congrès de fusion des mouvements de jeunesse social-démocrate et communiste en 1950; Matyas Rakosi aux usines Csepel en 1947; affiche du congrès d'unification des partis social-démocrate et communiste en 1947; Imre Nagy devant le parlement le 14 juillet 1953]

La chronologie interactive de la Révolution, le parc des statues communistes de Budapest
Avant : IV. Dans la tourmente de la seconde Guerre mondiale
Après : VI. La Révolution de 1956
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