16 mars 2008

Le campus unrest (1964-1970) : Des campus très agités

Berkeley et le Free Speech Movement

[sit-in à Berkeley]

Aux États-Unis, la contestation étudiante commence dès 1964 à Berkeley. L'université est publique (État de Californie), située dans la banlieue de San Fransisco, à proximité du ghetto noir d'Oakland. La discrimination à l'encontre des noirs est un des premiers sujets de mobilisation. Des manifestations ont lieu contre les entreprises n'embauchant pas assez de noirs. Dès l'été 1963, des étudiants vont passer l'été dans le Mississippi pour aider la cause des noirs dans le Sud. Dans une Californie dirigée par des hommes politiques plutôt conservateurs, l'agitation étudiante est dénoncée. L'université en vient à interdire les activités politiques sur le Campus le 14 septembre 1964. Cette mesure entraine l'union des étudiants, surtout après l'arrestation de ceux qui ont bravé l'interdit. 500 personnes demandent à comparaître avec 5 personnes jugées. La police intervient sur le campus entrainant un sit-in qui fait date et devient permanent. Le Free Speech Movement (mouvement pour la libre parole), et son leader Marco Savio, voient leur méthode triompher. Un accord est trouvé le 2 octobre. Mais l'Université ne tient pas ses promesses et l'agitation reprend en élargissant les thèmes de la contestation. C'est la société tout entière qui est critiquée, en particulier l'université, comparée à une entreprise dont les étudiants seraient la matière première. Au fil des mois et des années, la lutte contre l'engagement américain au Vietnam et la conscription prennent une place importante. De fait, si peu de jeunes vont réellement partir (8% des jeunes hommes en âge de partir soit 2,15 millions de 1964 à 1972), l'angoisse d'un possible appel mobilise fortement les étudiants.

Columbia : "Gym Crow must go"

Dans cette deuxième partie des années 1960, Berkeley est donc un modèle de la contestation.
En 1968, c'est l'Université Columbia à New York qui se distingue. Comme à Berkeley, la question noire et la contestation de l'ordre établi et de l'autorité se mêlent à d'autres revendications. De plus, l'université, qui est privée, est liée au Secrétariat à la Défense par des contrats de recherche et travaille avec la firme chimique Dow qui produit le Napalm utilisé au Vietnam.
Le point de départ est la construction d'un gymnase à l'emplacement d'un parc fréquenté par la population de Harlem, le ghetto noir limitrophe. Columbia est en effet au Nord de Manhattan et vit dans un climat d'insécurité. En construisant ce "Gym", l'université espère résoudre ce problème. Le 23 avril, une manifestation a lieu avec ce slogan : "Gym Crow must go". C'est une double allusion à la construction du Gym et un jeu de mot autour de Jim Crow, personnage imaginaire incarnant les lois de la fin du XIXème siècle qui, après l'abolition de l'esclavage, organisaient la ségrégation dans le Sud. Le campus est occupé. La police intervient de manière musclée entraînant, là-encore, un élan de solidarité. Finalement, le projet est abandonné, les liens de Columbia avec la Défense coupés et les étudiants associés à la gestion de l'Université. C'est une victoire pour les étudiants et leur leader Mark Rudd (en photo ci-contre). Columbia devient un modèle pour les étudiants du pays.

Kent State, le drame

[4 mai 1970, campus de Kent State, la police tire]

Le 30 avril 1970, Nixon, élu en novembre 1968 sur la promesse d'une paix au Vietnam, annonce que des troupes américaines sont entrées au Cambodge. L'agitation étudiante connaît alors un nouveau sommet. Le 4 mai, sur le campus de l'université Kent State dans l'Ohio, la police tire. On relève 4 morts et 9 blessés. C'est la fin d'une époque. [Pour en savoir plus sur cet évènement, lisez l'article sur la chanson "Ohio" de CSN&Y sur l'Histgeobox].

Au-delà des contextes spécifiques à chacune de ces universités, la contestation étudiante est une vague de fond qui puise à différentes sources : Vietnam, gestion des universités, question noire, libération des mœurs, société de consommation. Sur tous ces sujets, la parole se libère. C'est aussi une véritable révolution culturelle qui voit l'émergence d'une contre-culture autour de trois "ingrédients" (A. Kaspi) : liberté sexuelle, usage des drogues et nouvelle musique. Les festivals sont les lieux privilégiés de cette contre-culture.

Retrouvez dans le dossier sur l'année 1968 en France et dans le monde, de nombreux articles sur les "sixties", notamment sur la musique et les festivals par J. Blottière.


Sur internet :
A lire sur ce sujet :
  • André Kaspi, États-Unis 68. L'année des contestations, Complexe, 1988
  • Jacques Portes, Les Américains et la Guerre du Vietnam, Complexe, 1993

2 commentaires:

blottière a dit…

Salut,

ton article est passionnant.
A bientôt.

Julien

E.AUGRIS a dit…

Merci !

A lire évidemment avec , en fond sonore, les musiques que tu évoques dans tes articles.

A bientôt

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