NUEVO LAREDO (ETAT DE TAMAULIPAS, MEXIQUE) ENVOYÉE SPÉCIALE
AFP/J. GUADALUPE PEREZ
Sur les
"Les voleurs connaissent toutes les cachettes où l'on peut glisser quelques billets : derrière l'étiquette de ton jean ou de ton T-shirt, dans les chaussures, rien ne leur échappe ! Ils sont armés de fusils et de machettes. Ils m'ont même pris la carte téléphonique avec laquelle j'appelais ma famille", raconte Nestor Gonzalez, 29 ans, un électricien venu d'une petite ville du Honduras, qui a mis un mois pour traverser le Mexique. Accueilli à la Maison du migrant de Nuevo Laredo, un centre catholique, il a pu enfin coucher dans un lit, se doucher, manger dignement.
Ce fils de charpentier était prêt à tout affronter pour aller travailler aux Etats-Unis : des marches de dix-huit heures par jour, un voyage sur le toit des wagons du "train de la mort" - sans dormir, car "si tu dors, tu tombes" -, les pièges du Chiapas (sud du Mexique), les bandits de Lecheria , près de la capitale, et, à Saltillo, dans le Nord, les policiers ferroviaires qui repoussent à coups de bâton tous ceux qui ne peuvent leur graisser la patte. "Le Mexique, c'est le plus dur, confie Nestor Gonzalez. Toutes les filles se font violer. Il y a quand même des gens, à Tampico, qui nous ont lancé de l'eau et de la nourriture depuis leurs maisons, au bord de la voie ferrée."
Ceux qui parviennent à la frontière nord du Mexique "sont les plus forts, les plus chanceux : il y a une très forte sélection naturelle ", observe le Père Francisco Pellizzari, missionnaire italien de l'ordre de Scalabrini, voué à l'assistance aux migrants. "Il en arrive quand même un millier par mois, rien qu'à Nuevo Laredo, ajoute-t-il. Ici, nous parlons de la "frontière verticale" que ces jeunes, des hommes dans leur grande majorité, remontent sur des milliers de kilomètres. Ils sont souvent seuls, alors que, plus à l'ouest, vers le Nouveau-Mexique ou l'Arizona, ils sont toujours pris en charge par des passeurs."
Les pateros, humbles intermédiaires des vrais trafiquants, les coyotes ou polleros, rôdent en permanence autour du centre d'accueil. Le plus facile, c'est de passer le fleuve : 1 000 dollars. Le plus difficile, de franchir ensuite la ligne fatidique, à
REUTERS/KEVIN LAMARQUE
Les manifestations se poursuivent à Los Angeles, Detroit, Houston et Washington, avec des militants dénonçant une première loi sur l'immigration adoptée en décembre par la Chambre des représentants.
Les experts constatent que le durcissement des mesures de protection de la frontière sud des Etats-Unis, depuis dix ans, a entraîné une criminalisation des "passeurs" et une hausse considérable des risques pour les migrants. L'homme connu de son village, qui mettait son point d'honneur à amener ses clients à bon port, disparaît au profit de convoyeurs sans scrupules qui abandonnent leurs victimes en plein désert, quand ils ne les tuent pas après les avoir détroussées, comme le prouvent les traces de violences sur les cadavres. Des narcotrafiquants se reconvertissent dans cette activité qui rapporte jusqu'à 30 000 dollars pour un seul "passage", et qui est beaucoup moins sévèrement réprimée. Tout cela ne décourage pas Nestor Gonzalez : "Là-bas, en deux ans, si tu économises bien, tu gagnes de quoi revenir vivre décemment au Honduras."
Joëlle Stolz
Article paru dans l'édition du Monde du 02.04.06
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